Dener Ceide

Dener Ceide naît à Cherettes, une localité de Saint-Louis du Sud en 1979. Artiste dans l’âme,

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A Cuba, les étudiants boursiers oubliés par l’Etat haïtien crient au secours

A Cuba, les étudiants boursiers oubliés par l’Etat haïtien crient au secours

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Depuis plus d’un an, l’Etat haïtien ne leur a pas versé leur allocation mensuelle, déjà insuffisante pour vivre à Cuba.

En 2015, Marthe, originaire de Port-au-Prince, foulait le sol de la Havane, à Cuba. Après un long voyage, elle atterrissait enfin dans ce pays, pour poursuivre ses études à l’université. Elle était titulaire d’une bourse de l’Etat haïtien. L’adaptation a été difficile au début, car tout était différent, jusqu’à la nourriture. Mais elle s’est progressivement mise dans la peau d’une Cubaine. « Certains n’ont pas su s’adapter et sont repartis, mais ceux qui sont restés savent pourquoi ils sont là», explique-t-elle.

En tant qu’étudiante boursière de l’Etat haïtien, et comme la plupart des étudiants haïtiens à Cuba, Marthe reçoit une allocation de la République d’Haïti. Elle était de 50 dollars jusqu’en 2018.

Cet argent est insuffisant pour faire face à la vie à Cuba. De plus, l’Etat haïtien lui doit plus d’un an d’allocation. Entretemps, Martha et les autres étudiants boursiers à Cuba arrivent à survivre tant bien que mal grâce à la solidarité mutuelle entre étudiants. Ils sont sans espoir d’argent, vu qu’ils ne peuvent plus recevoir de transfert de la part de leurs familles. Et c’était cela qui les tenait en vie, lorsque l’Etat manquait à ses obligations, ce qui arrive régulièrement.

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Retard accumulé

Tous les mois, l’Etat haïtien devait verser $50 aux étudiants à Cuba. Les étudiants en médecine en recevaient $100, pour des motifs inexpliqués. Ces 50 dollars n’arrivaient pas à combler les besoins des étudiants, qui devaient dépenser pour une connexion internet, de la nourriture et d’autres besoins indispensables. En plus d’être insuffisant, le montant qu’ils devaient recevoir mensuellement arrivait rarement à temps.

Lors d’un voyage de Jovenel Moïse, en 2018, les boursiers ont obtenu du président que toutes les allocations soient de 100 dollars. Effectivement, après la visite du président, le montant a été ajusté. Mais à cause des irrégularités dans le versement de cet argent, les étudiants n’ont pas encore reçu l’allocation qui correspond à l’année académique qui vient de s’achever. En janvier 2021, ils ont reçu six mois d’allocation, allant jusqu’à juillet 2020. Pas un dollar n’a été versé ensuite, malgré toutes les démarches de ces étudiants auprès de l’ambassade d’Haïti à Cuba, par le biais de la Comunidad estudiantil Haitiana en Cuba, organisation que les boursiers ont créée.

« L’argent qu’on nous a versé en janvier couvrait le retard de paiement de l’Etat pour l’année académique 2019, explique Paul, un étudiant boursier. Donc même si on nous versait maintenant le reste de l’allocation, il servirait seulement à couvrir l’année 2020.»

En conséquence, les difficultés s’accumulent pour ces étudiants. «J’ai des dettes que je ne sais pas comment payer, explique Roberto, étudiant de 26 ans. D’autres pays qui ont des boursiers ici gèrent la question différemment. Ils permettent même aux parents d’envoyer des paquets pour leurs enfants, qu’ils se chargent de leur distribuer.»

Difficultés réelles

Beaucoup d’étudiants se retrouvent à La Havane, la capitale cubaine. Mais dans cette ville, la vie est plus chère. D’après Marthe, même la meilleure gestion des 600 dollars qu’elle recevait alors, soit le cumul de 12 mois, ne pouvait garantir des fins de mois sans difficultés. «A Cuba tous les étudiants sont devenus matures, parce qu’il faut gérer drastiquement nos ressources, dit-elle.»

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Comme les retards pénalisent lourdement chaque étudiant, les autorités haïtiennes avaient décidé il y a quelque temps de payer annuellement cette allocation. Ainsi, les étudiants recevaient 1200 dollars pour toute l’année scolaire. Même si la somme paraît acceptable, les besoins la dépassent de beaucoup.

Pour communiquer avec leur famille, les étudiants qui bénéficient du wifi sur leur campus sont mieux lotis que ceux qui n’en ont pas. Ils achètent des forfaits pour garder le contact avec leurs proches. Mais selon les données disponibles, la connexion à l’internet mobile coûte cher sur l’île. En 2018, alors que l’opérateur mobile Etecsa annonçait l’accès à l’internet pour ses abonnés, un forfait de 1Gb coûtait 10 dollars américains.

L’allocation non reçue ne serait pas si alarmante, si ce n’était pas le seul moyen pour la plupart des étudiants d’obtenir de l’argent. En tant qu’étudiants boursiers, ils ne peuvent pas travailler.  « Dans le temps, on pouvait recevoir des transferts d’argent, explique Marthe. Certains étudiants ont aussi des cartes de paiement que leur famille pouvait recharger. Mais tout cela est devenu plus difficile maintenant. Il n’y a plus de Western Union dans le pays.»

La situation de ces étudiants serait encore plus critique s’ils ne vivaient pas pour la plupart sur le campus de leur université. Régine Lamur, ambassadrice d’Haïti à Cuba, n’a pas répondu pour le moment à nos demandes de réactions. Cet article sera mis à jour si elle y consent.

Cuba et Haïti

Les boursiers haïtiens à Cuba sont l’un des aspects de la coopération entre les deux pays. Très proches géographiquement, séparés par le canal du vent, Haïti et Cuba ont une histoire commune qui remonte à loin. José Marti, le héros de l’indépendance cubaine a été inspiré par la révolution haïtienne. Un autre aspect de la coopération haïtiano-cubaine concerne les brigades médicales de Cuba, qui ont régulièrement sillonné Haïti.

Cependant du point de vue des relations internationales, les deux pays ont une trajectoire assez différente. Cuba est sous embargo américain depuis 1962. Or l’économie de l’île dépend beaucoup de l’importation de biens. Cela, ajoute à d’autres raisons plus complexes, occasionne des raretés de produits fréquemment.

Depuis la pandémie du coronavirus, la situation a empiré. Cuba a été très touché. Les chiffres officiels estiment le nombre de personnes infectées à plus de 900 000. Le tourisme, principale activité génératrice de revenus sur l’île, s’est effondré. Combiné aux sanctions américaines, cela contribue à faire vivre à Cuba des moments difficiles. L’inflation est galopante, et contribue à la cherté de la vie. Le prix de tous les produits de première nécessité a augmenté de manière affolante. Au mois de juillet 2020, des protestations ont éclaté dans le pays, en raison de la crise économique.

L’argent qu’on nous a versé en janvier couvrait le retard de paiement de l’Etat pour l’année académique 2019, explique Paul, un étudiant boursier.

C’est dans ce contexte que les étudiants haïtiens sont laissés sans revenus par leur gouvernement. Ils ne se plaignent pas de la formation reçue, qui est de très haut niveau selon eux, ni de l’accueil de Cuba dont ils sont reconnaissants. Mais ils implorent Haïti de respecter ses engagements envers eux, pour leur permettre d’étudier dans de meilleures conditions.

 Jameson Francisque

Photo de couverture: Le campus de l’ÉLAM. RFI

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