La réaffirmation récente du soutien du Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH) au Conseil présidentiel de transition (CPT) ne passe pas inaperçue dans un contexte marqué par des critiques acerbes de l’ancien président de cette même instance. Alors que l’ancien dirigeant du CPT alerte sur la mauvaise direction que prendrait cette institution, pointant du doigt des actes de corruption passive au sein du conseil, le BINUH semble persister dans une posture de soutien inébranlable. Cette attitude soulève des questions quant à la véritable stratégie des Nations unies dans une Haïti en proie à des crises répétées.
Lundi 7 octobre, Leslie Voltaire, figure politique bien connue, a été installé comme nouveau président du CPT, un événement qui marque un tournant symbolique dans la gouvernance de la transition haïtienne. Pourtant, cette nomination survient dans un climat lourd d’accusations. Dans une adresse à la nation, l’ancien président du CPT a ouvertement critiqué le chemin emprunté par le Conseil, affirmant que celui-ci est en grande partie sur une voie périlleuse, soulignant notamment un rapport recommandant des poursuites contre trois conseillers accusés de corruption passive.
Au lieu de s’engager dans un examen approfondi de ces accusations, le BINUH a choisi de renouveler son accompagnement, affirmant son engagement à “assurer la réussite de la transition”. Cette réaction pourrait être perçue comme un soutien bienveillant en faveur de la stabilité institutionnelle, mais elle risque également de laisser un goût amer à ceux qui demandent des comptes.
Un silence pesant sur les accusations de corruption
Si l’on attendait une réaction ferme aux accusations portées contre certains membres du CPT, la communauté internationale, via le BINUH, a opté pour une réponse qui laisse perplexe. En réaffirmant son soutien au CPT sans mentionner les critiques formulées par l’ancien président, le BINUH semble vouloir minimiser ces révélations troublantes. Pourtant, dans un contexte où la corruption a souvent été citée comme l’un des principaux freins au développement d’Haïti, l’absence de condamnation ou même d’enquête publique sur ces allégations est déroutante.
Le silence des Nations unies pourrait être interprété comme une manière de privilégier la stabilité politique au détriment de la transparence. Alors que le pays est en proie à une insécurité galopante et que l’urgence d’organiser des élections se fait sentir, le BINUH mise sur une transition sans vagues, au risque de paraître complaisant face à des comportements potentiellement répréhensibles.
Stabilité à tout prix ou impasse morale ?
La stratégie adoptée par le BINUH semble reposer sur la volonté de maintenir la cohésion du CPT, un organe essentiel à la transition politique en Haïti. En appelant “les institutions haïtiennes et toutes les forces vives de la nation” à collaborer pour restaurer la sécurité et permettre la tenue d’élections inclusives, le BINUH s’efforce de projeter un message de coopération nationale. Mais à quel prix ? Dans une Haïti où l’impunité a trop souvent été la norme, ce refus de s’attarder sur les accusations internes pourrait renforcer un sentiment d’injustice parmi la population.
Les critiques ne manqueront pas de dénoncer une “impuissance complice” de la part des Nations unies. En soutenant sans réserve le CPT, malgré les doutes légitimes exprimés par son ancien président, le BINUH prend le risque de perdre en crédibilité aux yeux des Haïtiens qui espèrent une transition basée sur des principes d’intégrité et de responsabilité. En réalité, le Conseil présidentiel de transition est-il véritablement sur la bonne voie pour redresser un pays en crise, ou bien est-il voué à répéter les erreurs du passé ?
Un chemin semé d’embûches pour Voltaire
Leslie Voltaire, tout juste installé à la tête du CPT, hérite donc d’un mandat qui commence sous le signe des dissensions et des suspicions. Il devra non seulement gérer les défis inhérents à la transition politique, mais aussi faire face à une perception publique minée par les accusations internes. Pourra-t-il s’imposer comme un leader capable de restaurer la confiance dans le processus démocratique haïtien ?
Le BINUH, quant à lui, devra clarifier sa position. En soutenant un CPT fragilisé, il envoie un message ambigu sur ses priorités en Haïti. À l’heure où le pays lutte pour organiser des élections et rétablir la sécurité, il est essentiel que les acteurs internationaux, au premier rang desquels les Nations unies, ne se contentent pas de soutenir aveuglément les institutions locales, mais qu’ils exigent des comptes pour garantir une transition réellement vertueuse.
En Haïti, le chemin vers la stabilité passe par la transparence et l’exemplarité des dirigeants. Toute autre voie risque de mener à de nouvelles désillusions.