Le Gouvernement haïtien veut vacciner 20 % de la population. À date, à peine 0,15 % des gens sont protégés, alors qu’une quantité de vaccins arrive bientôt à expiration
Jusqu’au 24 septembre 2021, l’hôpital Meterno-Infantil de Bon Repos a déjà injecté 1173 doses de Moderna, premières et deuxièmes doses confondues. Pour arriver à ce chiffre, le directeur de l’hôpital, Rudolph Magloire confirme vacciner entre 40 à 50 personnes par jour depuis le 27 juillet passé.
Sa campagne de vaccination lancée, l’hôpital reçoit régulièrement des vaccins tous les deux ou trois jours du ministère de la Santé. Par conséquent, son stock de vaccins est « toujours valable », se réjouit Magloire. Mais, sans pouvoir donner de date exacte, l’ex-conseiller à la section santé de l’USAID à Port-au-Prince dit constater une baisse quant au nombre de personnes qui viennent se faire vacciner. Or, respectivement offerts durant les mois de juillet et d’août, les deux lots de vaccins anti-coronavirus offerts à Haïti expireront bientôt.
150 000 doses de vaccins attendent actuellement d’être injectées à la population. Ce, avant le 6 octobre prochain.
Selon les dernières mises à jour publiées sur le site officiel du ministère de la Santé publique et de la Population, il y a 42 558 doses du vaccin Moderna qui sont administrées sur les 500 000 reçues le 14 juillet dernier. Et des personnes vaccinées, seulement 18 646 le sont entièrement.
À ce rythme, il est fort probable que les autorités n’arrivent pas à écouler le stock de vaccins disponible avant son expiration. Pour parer à cette perte, le ministère envisage des activités incitatives, comme l’organisation de journées de vaccination par zone.
Des chiffres plutôt moyens
« Les vaccins Moderna font partie de deux lots différents dont les dates d’expiration sont le 30 octobre et le 6 novembre », confirme Tristan Rousset. L’homme est le chargé de communication au Bureau de l’Organisation panaméricaine de la santé ainsi que de l’Organisation mondiale de la santé.
Conformément au programme COVAX, le Gouvernement haïtien compte vacciner 20 % de la population. À date, à peine 0,15 % de la population est protégée. En ce sens, « il est important que le MSPP puisse augmenter le nombre quotidien de doses administrées de façon significative, afin d’optimiser l’écoulement des vaccins disponibles », juge Rousset.
Mais, le MSPP n’avance pas du tout comme il le devrait. Cela, parce qu’il s’y est mal pris depuis le début, pense Pierre Hugues Saint-Jean qui est président de l’Association des pharmaciens.
Du 16 au 28 juillet 2021, 4 078 personnes se sont fait vacciner. Plus d’un mois après, soit le 9 septembre 2021, le MSPP ne faisait mention que de 14 382 personnes entièrement vaccinées. Et compte tenu de son dernier rapport rendu public, le nombre est passé à 18 646 ayant reçu leurs deux doses de Moderna. Et à 23 912 ayant reçu la première dose. Ce qui sous-entend que, dans tout le pays, le MSPP aurait vacciné en moyenne 617 personnes par jour depuis le début de la campagne.
Ainsi l’on comprend mieux la récente initiative du ministère de la Santé. « Le MSPP peut se déplacer, à partir d’un certain nombre de personnes, et venir vacciner vos employés désireux de prendre le vaccin », peut-on lire dans une note de la Chambre de Commerce et de l’Industrie de l’Ouest.
Aucun danger
L’ensemble de ces vaccins, parce qu’il le faut, est conservé au sein de la chaine de froid centrale du MSPP. « Laquelle chaine a sa localisation demeurée confidentielle par mesure de sécurité, poursuit Rousset. Les vaccins Moderna sont stockés dans des congélateurs entre -18 et -20 °C avant d’être transférés dans les départements où ils peuvent être conservés entre 2 °C et 8 °C pendant un mois avant leur utilisation ».
Le principe est donc clair. Si au bout de 30 jours, ces vaccins ne sont pas utilisés, ils doivent être jetés. De même, si on ouvre un flacon, elle doit être jetée au bout de 6 heures. Il est à rappeler que chaque flacon contient dix doses de vaccins.
Lorsque les dates du 30 octobre et du 6 novembre seront passées, c’est la totalité des vaccins qui ne pourra plus être administrée à la population. Mais « en cas d’administration malencontreuse d’un vaccin périmé à une personne, le risque principal n’est pas un problème de sécurité, mais une perte d’efficacité du produit », rassure Rousset.
Le MSPP peut se déplacer, à partir d’un certain nombre de personnes, et venir vacciner vos employés désireux de prendre le vaccin
La Direction sanitaire de l’Ouest, aussi bien que le bureau de communication du MSPP, n’a accepté d’accorder d’interview à AyiboPost.
Campagne ratée
Sur l’ensemble du territoire, les zones rurales y compris, le MSPP a prévu d’avoir 483 sites de vaccination. On en compte 74 aujourd’hui.
Pour tenter d’expliquer les résultats escomptés, les responsables parlent d’un déficit de retour d’information et de communication. Au-delà du défi logistique que le Gouvernement haïtien s’efforce de relever, Tristan Rousset accuse le tremblement de terre meurtrier du mois d’août et la situation sécuritaire du mauvais déroulement de la campagne de vaccination.
Pour Rudolph Magloire, cependant, la méfiance de la population vis-à-vis des dirigeants n’est pas à écarter.
De son côté, Pierre Hugues Saint-Jean estime que les autorités concernées auraient dû s’y prendre autrement.
« Pour réussir cette campagne de sensibilisation, dit Saint-Jean, il faut comprendre avant tout le problème principal qui est la réticence des gens à se faire vacciner ». Par rapport à cela, le pharmacien révèle avoir proposé au MSPP d’effectuer une enquête, avant d’entamer la période de vaccination. « J’ai demandé que celle-ci ait lieu à chaque quinzaine, dit le coordonnateur médical à l’hôpital Saint Damien (Nos petits Frères et sœurs). Des professionnels seraient envoyés au niveau des quartiers pour ce faire, et les décisions seraient prises en fonction des réponses obtenues ».
Sa proposition a été rejetée. Toutefois, cela n’empêche pas Saint-Jean de reconnaître les efforts fournis par le ministère de la Santé. « Avec la présence de plusieurs sites un peu partout, la couverture territoriale s’avère être très bien », dit-il. Ce qu’il faut maintenant c’est convaincre la population d’aller se faire vacciner. Surtout que « c’est la seule façon de stopper l’extension de la pandémie », affirme le docteur Magloire qui ajoute qu’il est complètement vacciné.
À cela, Tristan Rousset ajoute que le lancement d’une campagne de vaccination à grande échelle est une machinerie lourde qui requiert parfois du temps à se mettre en route. Raison pour laquelle, « L’OPS/OMS fournit un appui technique au ministère et l’accompagne dans ces décisions ». L’instance non gouvernementale est en constante communication avec les équipes techniques du MSPP « pour les conseiller et partager les expériences d’autres pays en matière de stratégies de vaccination contre le COVID-19.»
Photo de couverture: Dr Thanika Brun, se faisant vacciner à l’Hopital St Damien.
Photos: Carvens Adelson/ Ayibopost