Dener Ceide

Dener Ceide naît à Cherettes, une localité de Saint-Louis du Sud en 1979. Artiste dans l’âme,

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Le marché florissant de l’énergie solaire en Haïti

Le marché florissant de l’énergie solaire en Haïti

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La République dominicaine en tire un profit maximum

Partout en Haïti, le courant se fait rare. Selon les recherches, le pays enregistre le plus faible taux de couverture d’électricité dans la région caraïbéenne, soit moins de 25 %.

Dans ce contexte, les citoyens et entreprises sont sommés de trouver des alternatives au fonctionnement insatisfaisant de la compagnie nationale de production de courant, l’Électricité d’État d’Haïti.

« De nos jours, beaucoup de gens optent pour les inverters alimentés en énergie solaire », déclare Jude Émile, propriétaire de l’entreprise Émile Global Services. Ce business vend, entre autres, des articles électroménagers, des panneaux solaires et des batteries.

Selon Jude Émile, la grande majorité des entrepreneurs qui évoluent dans la vente des kits solaires estiment ce secteur d’activité florissant. « En dépit des circonstances, je paie mensuellement et sans casse-tête mes 17 employés, dit-il. En plus, j’arrive à payer mes prêts bancaires et je réalise aussi des bénéfices ».

Global Services écoule mensuellement un container de 625 panneaux solaires et un autre de 720 batteries.

« Le prix des panneaux varie en fonction de leur wattage et de leur marque, explique Émile. Un panneau d’une capacité de 400 watts se vend entre 140 à 170 dollars américains au maximum. »

Les batteries vendues par Global Services sont de marque Trojan. Leur prix d’achat est de 140 dollars l’unité. « Je les revends à 165 dollars US, continue Émile. Ce prix n’est pas définitif. Je les revends à un prix beaucoup plus abordable en fonction de la quantité que le client souhaite se procurer », fait savoir le PDG.

Batteries en vente. Photo : Carvens Adelson / AyiboPost

Grosso modo, Global Services amasse par mois en moyenne 87 500 dollars dans la vente des panneaux solaires et 119 625 dollars pour les batteries.

Vente intensifiée

L’entreprise offre aussi des services après-vente. « L’achat et l’installation de l’énergie solaire varient entre cinq et quinze mille dollars US », dit l’entrepreneur dont le business détient une équipe de techniciens pour ces genres d’interventions.

Il ne suffit pas de se procurer d’une batterie, d’un panneau solaire et d’un inverter pour avoir de l’énergie solaire disponible chez soi. « Il est nécessaire d’avoir un système de fixation pour les panneaux, un régulateur, des câbles, des capteurs de mesures de consommation, entre autres. Tout a un coût », selon Jude Émile.

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L’État haïtien avait supprimé dans la loi de finances 2017-2018 les taxes douanières pour l’importation des produits liés à l’énergie solaire. Ce, pour favoriser le développement des énergies renouvelables en Haïti.

Depuis, la vente des équipements solaires s’est intensifiée selon des entrepreneurs interrogés. Ceci n’a pas nécessairement entamé la distribution des génératrices. Un employé de la section vente de l’entreprise Charles Fequière S.A, distributrice autorisée de la marque de génératrice KÖHLER en Haïti fait savoir que la vente de ce produit est en bonne santé dans le pays. « Sinon l’entreprise n’aurait pas tenu le coup depuis près de 40 ans dans le domaine », dit-il.

Vente de génératrice. Photo: Carvens Adelson / AyiboPost

Vente de génératrice. Photo: Carvens Adelson / AyiboPost

Le solaire offre d’autres opportunités d’affaires. Placée à Bourdon, Solution Energie offre des articles électroménagers fonctionnant à base d’énergie solaire. « Tous nos articles sont conçus pour être mis en marche par l’énergie solaire », fait savoir Jamesly Cadet, technicien en chef de cette entreprise.

À Solution Énergie, les appareils électroménagers comme les réfrigérateurs, fers à repasser, water dispenser, machines à laver, fours et autres, sont équipés d’un convertisseur. « Pour faciliter leur fonctionnement à partir de l’énergie fournie par l’Ed’H, l’entreprise vend ses appareils avec un convertisseur leur permettant de transformer le courant électrique continu en courant électrique alternatif », explique Cadet.

Bien qu’il refuse de rentrer dans les détails, Cadet trouve le niveau de vente de son entreprise très satisfaisant. Il confie qu’un kit solaire minimal capable de satisfaire en énergie la demande d’un client avoisine les 1 200 dollars américains. « Généralement, on les vend en fonction de la charge des équipements présents dans la maison du client », confie-t-il.

Malgré ses performances déplorables marquées surtout par des coupures intempestives, l’Ed’H engloutit 6,3 % du budget national total. Dans le plus récent budget, l’institution devait recevoir 16 milliards de gourdes dans la rubrique : « Dotations spéciales subvention à l’énergie ».

Les clients sont aux abois. Le professionnel Ronald Cénet a décidé en 2020 de faire séparément acquisition des matériels d’un kit solaire pour sa maison. « Je préfère consentir une seule dépense pour avoir mon propre système d’énergie au lieu de payer mensuellement pour ce que je n’ai pas », confie cet ancien abonné de l’EDH.

 « Même si l’EDH en tant que fournisseur d’électricité n’arrive pas à vous alimenter pendant un mois, le tarif d’abonnement inscrit sur le bordereau exige le paiement d’un frais mensuel de 150 gourdes », fait savoir René Jean Jumeau, ex-ministre chargé de la sécurité énergétique.

Pour éviter ces frais, Cénet n’a pas fait entrer l’énergie électrique que fournit l’EDH dans sa nouvelle demeure fraîchement construite à Delmas 75. « Je ne sais pas si à l’avenir j’envisagerai l’énergie de l’Ed’H, mais j’essaie de tenir le coup jusqu’à présent », dit-il.

La République dominicaine, grande bénéficiaire

À l’autre bout de l’île, on tire profit de l’éternel black-out qui plane sur Haïti. Le pays voisin est l’un des fournisseurs des équipements solaires dans le pays. Beaucoup d’entreprises locales s’approvisionnent en équipements chez les Dominicains.

« Dans un premier moment, j’avais l’habitude d’acheter en Chine, raconte Jude Émile de Global Services. Le transport de la marchandise de la terre du milieu vers Haïti prend, à la rigueur, entre trois à cinq mois. Parce que mon entreprise n’a pas les stocks nécessaires pour tenir pendant plusieurs mois, j’ai décidé de m’approvisionner en République dominicaine ».

En faisant commerce avec la République voisine, le PDG de Émile Global Services dit éviter de tomber en rupture de stock. « La livraison de ces équipements, de la République dominicaine, prend au maximum cinq jours  », ajoute-t-il.

Pour sa part, l’entreprise Solution Energie développe un partenariat avec un business établi aux États-Unis d’Amérique. « L’entreprise nous fournit pratiquement tous les articles électroménagers présents dans notre showroom », raconte Jamesly Cadet.

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L’ancien président Jovenel Moïse avait promis en juin 2017 d’électrifier le pays 24/24. Depuis, la capacité du secteur énergétique n’a pas réellement bougé. Evenson Calixte, directeur de l’Autorité nationale de régulation du secteur énergétique (ANARSE), a déclaré en 2019 à AyiboPost que « techniquement il était impossible d’électrifier le pays 24/24 en seulement deux ans ».

Pour sa part, l’expert en énergie, René Jean Jumeau, pense que l’absence de l’électricité 24/24 réduit la quantité de matériels d’électroménagers que pourraient avoir les ménages en Haïti. « L’acquisition d’une génératrice ou d’un inverter vient renforcer cette tendance parce qu’elle oblige les familles à utiliser le minimum de matériels possible pour une gestion efficace de leur énergie ».

Le PDG de Émile Global Services plaide lui pour une augmentation de la capacité du pays en énergie électrique. « Je pense que l’électrification 24/24 pourrait amener le pays à faire d’autres avancements, dit-il. Cela ne va pas affecter notre recette parce qu’on ne vend pas que des batteries, inverters ou génératrices. On vend des articles électroménagers. Or, les Haïtiens considèrent, avec ou sans électricité, ces articles comme des meubles décoratifs. Même sans énergie, des citoyens préfèrent les avoir pour embellir leurs maisons. »

Toutefois, le secteur de l’énergie solaire enregistre une carence de professionnels en réparation. « Les écoles techniques apprennent aux étudiants à identifier les pièces en panne, dit Emmanuel Abellard, spécialiste en réparation des inverters. Les rares personnes qui ont cette connaissance font appel à leur sens de curiosité pour avoir une bonne compréhension de l’appareil. »

Selon Abellard, seuls les inverters sont réparables. « Les batteries peuvent être régénérées. Quant aux panneaux solaires, ce sont des composés comme l’iode ou le verre qui peuvent être changés en cas de problèmes », dit-il ajoutant que le prix de réparation d’un inverter varie en fonction du coût des pièces occasionnant le problème.

Emmanuel Moise Yves

Photo de couverture : Panneaux solaires alimentant les opérations à AyiboPost. Image : Wilson Saintélus / AyiboPost

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