En marge des effets combinés des turbulences politiques, du coronavirus, de l’insécurité et de la crise économique, 56 restaurants saisissent l’opportunité du Burger Week pour se refaire une santé financière
Dieuphete Sagesse se voit comme un paysan de Kenscoff. L’homme, qui prend sous sa responsabilité trois enfants et sa femme, travaille la terre depuis son jeune âge.
Cette année, le cultivateur écoule une bonne partie de ses légumes à des restaurants participant au Burger Week. Cette initiative s’étend sur les deux premières semaines du mois de septembre. Elle implique la plupart des meilleurs restaurants de Port-au-Prince.
Jojo Restaurant et Siwèl figurent sur la liste des clients de Sagesse. « Je leur ai fourni des laitues, tomates, poivrons et carottes », révèle Sagesse.
L’insécurité entrave les déplacements de l’homme vers d’autres marchés du centre-ville. « La vente n’est pas exceptionnelle, mais l’essentiel c’est qu’on écoule une partie de nos produits », se réjouit Sagesse.
En marge des effets combinés des turbulences politiques, du Coronavirus, de l’insécurité et de la crise économique, 56 restaurants saisissent l’opportunité du Burger Week pour se refaire une santé financière.
Siwèl se trouve sur la route de Delmas. Pour sa quatrième participation à Burger Week, ce restaurant présente Men Towo a, un burger local fait de blanc de poulet bien mariné et croustillant, accompagné d’une sauce fait-maison, de salades et de frites.
« Siwèl n’ambitionne pas de remporter le Burger Week, rapporte Jean Édouard Hyppolite, un des responsables de l’espace. Le plaisir de nos clients est plutôt notre priorité, et ça, on le tient toujours ».
Ce 6 septembre dans l’après-midi, Daphnée, jeune professionnelle, brave l’insécurité pour s’amuser à Siwèl avec sept de ses amis. « Je suis énormément ravie d’être ici pour savourer un burger », lâche-t-elle.
Le burger en soi est un produit allemand, importé aux États-Unis vers les années 1950. Il a été agrémenté par la spécialité culinaire américaine avant d’être mondialement popularisé.
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Cette année, la plupart des restaurants misent sur les produits locaux. Ceci avantage les fournisseurs et vendeurs de légumes, de pain, entre autres.
Gilbert Bailly, propriétaire et chef de cuisine de Muncheez, présente un burger au steak haché accompagné d’un oignon caramélisé. Son nom : Fungee burger. « La viande de bœuf utilisée dans la recette est un produit local. On n’a presque rien importé pour fabriquer notre burger », relate Bailly. Son restaurant à Pétion-Ville est déjà primé trois fois dans le cadre de cette activité. Même les légumes utilisés dans la décoration des burgers sont des produits du terroir.
Si plusieurs restaurants présentent un burger classique, d’autres poussent le bouchon un peu plus loin en créant des recettes originales. C’est le cas de Presse Café avec son burger à la crevette baptisée Perle noire. « L’essentiel c’est qu’on n’a rien importé, déclare Magui Rigaud, propriétaire de Presse Café. La crevette provient d’Aquin, le pain noir extra moelleux est fabriqué par un boulanger local et la préparation de la sauce est réalisée avec la carcasse de la crevette. La pomme de terre et les légumes utilisés pour notre frite proviennent aussi du pays ».
À part les frites épicées utilisées par Muncheez et le blanc de poulet du restaurant Siwèl qui sont des produits importés, les autres ingrédients utilisés pour la préparation des burgers de ces institutions culinaires sont des produits locaux.
Dès son introduction en Haïti, Burger Week s’est fixé comme mission de renforcer le secteur de la restauration en Haïti. « L’objectif premier de Burger Week Haïti consiste à dynamiser le secteur de la restauration haïtienne et stimuler la vente », précise Carla Beauvais, co-organisatrice et ambassadrice de l’initiative.
Durant ces deux dernières années, la restauration a pris beaucoup de frappes. Les diverses protestations, l’insécurité et le kidnapping impactent négativement ce secteur. « Burger Week Haïti apporte un plus aux restaurants et aux fournisseurs. L’économie dans ce secteur d’activité est stimulée grâce à cet évènement », témoigne Jean Édouard Hyppolite du restaurant Siwèl.
Les recettes encaissées durant le Burger Week Haïti permettent à ce business de couvrir une partie des dépenses pour le reste de l’année. Près de 80 burgers ont été vendus à Siwèl durant les deux premiers jours de l’activité.
Gilbert Bailly de Muncheez estime lui aussi que la réalité financière de son restaurant prend une tournure moins maussade avec Burger Week Haïti. Son entreprise écoule quotidiennement entre 100 à 150 burgers par jour. « La conjoncture haïtienne n’est pas propice pour les restaurateurs, dit Bailly. On a entièrement raté les vacances, continue l’entrepreneur. À présent, on essaie de parer les coups avec le Burger Week. C’est pourquoi j’ai grandement salué les initiateurs de cette activité ».
Les prix restent cependant assez élevés pour les petites bourses. À Siwèl et à Muncheez, il faut débourser 1 300 gourdes pour manger un burger.
Presse Café fixe à 1500 gourdes le prix de son offre. « J’étais en rupture de stock durant les deux premières journées, dit Magui Rigaud. Cette activité promeut en effet toute la chaîne de production qui rentre dans le processus de la réalisation du burger. »
Bien que l’aspect compétition ne soit pas l’objectif premier de Burger Week, dix primes sont décernées à la fin de l’activité. Ces primes concernent entre autres le meilleur nom de burger, la meilleure promotion sur les réseaux sociaux, le choix de produits locaux dans les recettes ou la meilleure ambiance créée durant l’évènement.
House of Beer, un restaurant situé à la rue Carlstrooem voit les choses en grand cette année. Le burger de la « maison des bières » est baptisé Bawon. Les responsables de l’espace placent à l’entrée du restaurant un jeune homme portant le costume de ce lwa du panthéon vaudou haïtien. Il se sert d’un bâton en forme d’une baguette magique avec lequel il trace un crucifix.
C’est à Montréal, au Canada, que Carla Beauvais fait connaissance avec l’activité Burger Week. Elle obtient la franchise de l’évènement en 2014.
Les frais de participation par restaurant sont de 350 dollars. Une partie de ce montant est utilisé pour payer la franchise de l’activité.
Pour cette 8e édition, les partenaires et organisateurs de l’évènement remettront à Fokal une partie de leurs recettes afin de soutenir les victimes du séisme dans le grand Sud. Le mécanisme de donation reste simple selon Carla Beauvais. « Certains restaurants acceptent de fournir une contribution située entre 0,50 et 1 dollar américain sur chaque burger vendu. Mais d’autres ne le font pas. »
Photo de couverture : Clients à Midi Express. Carvens Adelson / AyiboPost