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Dener Ceide

Dener Ceide naît à Cherettes, une localité de Saint-Louis du Sud en 1979. Artiste dans l’âme,

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Martissant n’est pas en paix, malgré les garanties données par les gangs

Martissant n’est pas en paix, malgré les garanties données par les gangs

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Résidents et institutions qui souhaitent intervenir dans le sud disent leurs appréhensions

Des appels à l’aide étaient lancés dans tout le département du sud, le samedi 14 aout dernier. Des citoyens ensevelis sous les décombres. D’autres, décapités par le séisme. Des dizaines de milliers se trouvaient en besoin urgent d’assistance.

Un groupe de 60 médecins de l’Hôpital Universitaire de l’État d’Haïti (HUEH) ont décidé de répondre, mais ils sont rapidement confrontés à un dilemme existentiel : vont-ils traverser Martissant, une zone surnommée « couloir de la mort », au moins depuis le début des affrontements sanglants entre gangs en juin ?

Neuf des professionnels de la santé prendront les airs pour éviter la route, devenue tombeau de plusieurs citoyens cette année. Les autres assument le risque de la traversée. Ils rentrent dans le sud sain et sauf.

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Au lendemain du tremblement de terre, un des chefs de gangs de la zone offre une garantie que l’Etat échoue à donner depuis des années : les convois humanitaires peuvent traverser Martissant sans risque aucun.

Depuis le 14 aout, plusieurs convois et des dizaines de citoyens déterminés ont tenté de se rendre vers le sud en voiture, sans incident majeur. Mais la peur demeure et les gangs n’ont pas chômé pour autant.

« Il y a des tirs périodiques le soir, témoigne à AyiboPost, un habitant de la zone qui demande l’anonymat par crainte des représailles. On ne sait pas combien de temps cette paix va durer », a-t-il continué, sur un ton inquiet.

Climat précaire

Beaucoup d’ONG et des particuliers comprennent la fragilité des garanties offertes par les gangs de Martissant. Pour se protéger, ils utilisent principalement des avions et des hélicoptères s’en allant et atterrissant à un rythme serré à l’aéroport Toussaint Louverture a constaté AyiboPost.

Des ONG se réjouissent de la trève faite par les gangs de la zone. Jean Anthony Bazile est responsable de programme et de financement de l’institution Services des Jésuites aux Migrants (SJM-Haïti). Il raconte avoir planifié une mission pour le Sud après les garanties offertes par les gangs de Martissant, dont certains sont spécialisés dans le kidnapping.

« On a pris très tôt la route le lundi 16 aout et nos supports étaient très appréciés puisqu’on était parmi les premiers organismes à faire don de tentes et d’intrants médicaux à des hôpitaux qui prenaient soin des gens à l’air libre », confie Bazile.

La route de Martissant était devenue fluide. « On a l’impression que la vie veut se développer à Martissant, dit une résidante de Martissant. Il n’y avait rien de pareil, deux mois avant. »

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Cette situation illustre cependant l’incapacité de l’État à garantir la sécurité, ce qui laisse les bandits seuls maitres sur des pans entiers du territoire national.

« Cette trêve entre les gangs a eu lieu sans qu’aucune opération policière n’ait été menée, remarque Changeux Méhu, coordonnateur de l’association des chauffeurs et propriétaires d’Haïti. Les hommes armés peuvent se soulever à n’importe quel moment. C’est la raison pour laquelle nombreux sont les chauffeurs au sein de l’association qui refusent encore d’emprunter cette voie malgré la trêve annoncée. »

Ces deux dernières années, plusieurs institutions ont été contraintes d’abandonner Martissant devant l’avidité et la cruauté des hommes armés. Après 15 ans de service à la population, Médecins sans frontières a décidé de quitter la zone le 2 aout dernier.

Plus de 20,000 citoyens ont dû fuir les violences depuis le 1er juin dernier. Des résidents des localités avoisinantes comme Fontamara, Carrefour, Mariani, entre autres empruntent d’autres voies pour se rendre en ville afin de vaquer à leurs activités. Certains passent par Morne l’Hôpital quand d’autres, traversent par la mer.

Supplier les gangs ?

Le gouvernement américain a fourni au moins huit hélicoptères pour accélérer les efforts d’évacuation médicale depuis le sud. De graves blessés du séisme ont été transférés vers des hôpitaux de la capitale via ce moyen de transport.

Ces hélicoptères sont aussi utilisés pour transporter des professionnels qui souhaitent se rendre dans le Sud sans passer par Martissant. « Chaque hélicoptère peut transporter 33 passagers, déclare à AyiboPost Christopher Colbert, un médecin des garde-côtes américains. En plus, ces hélicoptères sont aussi utilisés pour transporter de l’aide humanitaire de certaines ONG vers le grand Sud ».

La police nationale d’Haïti est consciente du danger que représentent les activités des gangs à Martissant. La PNH a deux blindés qui sillonnent par moment la route apaisée par la seule volonté des gangs, selon les résidents de cette zone. « La police va prendre des dispositions pour renforcer sa présence sur la route de Martissant » déclarait la porte — parole de l’institution, Marie Michelle Verrier, lors d’un point de presse 18 aout dernier.

Quelques jours avant le tremblement de terre, soit le 12 août 2021, des notables de la zone de Martissant s’étaient réunis avec les chefs de gang pour tenter de ramener la paix dans ce quartier. Cette démarche a été initiée par l’ancien maire de Carrefour, Yvon Jérôme. Les tentatives de AyiboPost pour rentrer en contact avec lui n’ont pas porté fruit.

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Lors de sa conférence de presse, la porte-parole de la PNH s’est montrée contre l’idée que des citoyens rentrent en négociation avec les bandits sous prétexte de ramener le calme. Une position qui contraste avec celle de la municipalité de Port-au-Prince.

« Je suis tout à fait d’accord à ce que les gens du quartier tentent de résoudre le problème puisqu’ils sont les premières victimes de l’insécurité créée par des gangs dans ce tronçon de route », déclare à AyiboPost Kettyna Bellabe, mairesse adjointe de la mairie de Port-au-Prince.

L’édile pense qu’il est temps que l’État coordonne des actions avec les autorités locales et municipales pour résoudre cette crise. Elle croit que les requêtes des citoyens adressées aux bandes armées sont le résultat de l’inaction de l’État central face à ce problème qui gangrène la société haïtienne.

Lors d’une entrevue accordée à AyiboPost au salon diplomatique de l’aéroport international Toussaint Louverture, le Premier ministre Ariel Henry avait promis de fournir un effort particulier pour permettre la traversée de Martissant.

À date, aucune action concrète n’a encore été menée par son gouvernement pour contrôler cette zone et déloger les bandits.

Photo de couverture : Edris Fortune / Martissant / AyiboPost

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