Dener Ceide

Dener Ceide naît à Cherettes, une localité de Saint-Louis du Sud en 1979. Artiste dans l’âme,

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Suzanne Sanite Bélaire, héroïne nationale au visage inconnu

Suzanne Sanite Bélaire, héroïne nationale au visage inconnu

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Contrairement à Toussaint Louverture, Suzanne Sanite Bélair avait préféré montrer ses griefs au lieu de se soumettre devant l’armée française. Son portrait, quoique contesté, rentre dans le panthéon haïtien

Suzanne Sanite Bélair a combattu pour l’indépendance d’Haïti. Née dans la commune de Verettes en 1782, elle meurt très jeune, sans avoir eu le temps de gouter aux fruits de son travail.

« Elle n’était pas une esclave, selon l’historien haïtien Pierre Buteau. C’était une affranchie noire qui avait une certaine aisance dans la colonie de Saint-Domingue. Malgré son rang, elle avait choisi de prendre les armes pour lutter contre la puissance coloniale », raconte l’historien.

Un buste de Suzanne Sanite a été sculpté au collège Saint-Pierre. Le séisme de 2010 a tout détruit durant son passage. Depuis, le monument n’a pas été rénové. Des portraits de l’héroïne se trouvent à plusieurs autres endroits prestigieux, dont la monnaie de dix gourdes. Ces effigies sont cependant contestées. D’après l’historien haïtien Jean Ledan Fils, les images qu’on a de Suzanne Sanite Bélair sont fausses. « Les photos actuelles sont des allégories de Bélair. Il n’existe pas de tableau qui présentait son portrait », dit Ledan.

En vrai, il s’agit d’une limitation technologique du XVIIIe siècle. « À l’époque, il n’y avait pas de photographie. Les portraits étaient difficiles à réaliser, surtout à cause des fortes turbulences liées à la  révolution. En plus, les peintres qui réalisaient des portraits étaient rares et ils étaient loin d’être intéressés par le portrait de madame Bélair », ajoute Ledan.

L’historien précise que ce commentaire reste valable pour la quasi-totalité des héros d’Haïti. « La plupart d’entre eux ont un ou deux portraits qui seraient plus ou moins authentiques. Les autres images ne sont que des représentations », dit-il.

Bien que son portrait soit contesté, Belair a été honoré par l’État haïtien en 2004 quand la décision a été prise de frapper le billet de dix gourdes à son effigie. « Je crois que c’est une très bonne décision de rendre hommage à l’héroïne », mentionne pour sa part, Pierre Buteau qui est également président de la Société haïtienne d’histoire, de géographie et de géologie.

Les indépendantistes

Suzanne Sanite, nom de naissance, est présentée comme la femme de Charles Bélair. « Mais il n’y a pas assez d’éléments [matériels] pour prouver son lien matrimonial avec Bélair, précise l’historien Pierre Buteau. À l’époque, continue l’expert, les affranchis préféraient être mariés au lieu de vivre en union libre ».

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Charles Bélair était à la fois le neveu et un homme très proche de Toussaint Louverture. Il s’est démarqué de Louverture après que ce dernier ait choisi de se soumettre à l’armée française. Charles Bélair et sa femme avaient pris les armes pour mener des attaques contre l’expédition française dans les bois de la chaîne des Matheux. Le foyer de la résistance contre l’esclavage a commencé dans cette zone, selon Pierre Buteau.

Le 2 mai 1802, Toussaint Louverture a volontairement choisi de faire une reddition de compte devant l’armée française. C’est ainsi que les troupes de l’armée indigène dirigées par Alexandre Pétion, Henri Christophe, Jean-Jacques Dessalines, Augustin Clerveaux et tant d’autres allaient servir l’armée expéditionnaire en fonction d’un accord établi. Des gens comme Suzanne Sanite Bélair et son mari, Capois la Mort et plusieurs autres officiers de l’armée indigène n’avaient pas choisi de baisser les armes devant le déploiement des troupes françaises. Ils sont historiquement baptisés : « les indépendantistes ».

« Avant l’arrivée de l’expédition française en Haïti, beaucoup de groupes non organisés luttaient contre la domination française, explique longuement l’historien Pierre Buteau. Lorsque Toussaint Louverture accepte de capituler devant l’armée coloniale, ces groupes avaient déclaré qu’ils ne veulent plus suivre Toussaint Louverture et ont exprimé leur refus de se soumettre. »

À ce moment, Suzanne Sanite Bélair avait préféré continuer la lutte en jouant un rôle important dans les attaques contre la domination française avec son mari. « On présentait Sanite comme une jeune femme avec un beau visage. Elle était très violente et intransigeante à l’égard des prisonniers blancs », selon Pierre Buteau.

Je crois que c’est une très bonne décision de rendre hommage à l’héroïne

Sa condamnation

Après plusieurs actions à succès, Suzanne Sanite Bélair a été capturée par un officier blanc du nom de Faustin Répusard dans une attaque-surprise de l’armée française à haut de l’Artibonite. Cet officier l’a ensuite transféré à Jean Jacques Dessalines.

Ayant appris la nouvelle, Charles Bélair s’est lui-même livré à l’armée française dans le but d’obtenir la libération de sa compagne en échange de sa personne.

« Charles Bélair et sa femme ont été condamnés aux poteaux d’exécution le 5 octobre 1802. Dessalines était pour beaucoup dans leur condamnation puisque c’est lui qui les avait transférés au général français Charles Victoire Emmanuel Leclerc, après avoir rédigé leur acte d’accusation. Malgré cela, Dessalines avait en tête de prendre les armes contre les Français. Il avait profité de son rang pour libérer beaucoup d’insurgés capturés par l’armée française en leur disant que la grande lutte est pour bientôt », raconte Pierre Buteau.

Environ un mois après la condamnation du couple Bélair, l’armée indigène va prendre les armes pour mener la lutte de l’indépendance. Mais Suzanne Sanite Bélair n’était plus. « Elle était morte en brave », dit l’historien.

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