Dener Ceide

Dener Ceide naît à Cherettes, une localité de Saint-Louis du Sud en 1979. Artiste dans l’âme,

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Les autorités veulent diriger l’aide humanitaire. C’est plus facile à dire qu’à faire.  

Les autorités veulent diriger l’aide humanitaire. C’est plus facile à dire qu’à faire.  

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Plusieurs endroits sont encore inaccessibles, et l’État se trouve absent dans beaucoup de zones dans le besoin

Deux jours après le puissant tremblement de terre de samedi, plusieurs zones dans le sud restent coupées du reste du pays et l’État haïtien qui veut exclusivement organiser l’aide n’a aucune idée de l’ampleur exacte des dégâts.

« Personne ne s’est rendu à Fonds Cochon, une commune de Roseau dans le département de la Grand’Anse », témoigne le maire de la ville de Jérémie, Claude Harry Milord, dans une entrevue au téléphone ce lundi.

Difficile donc de faire une évaluation des besoins. « Des zones au niveau du 2e et de la 3e section communale sont inaccessibles faute de moyen de transport, continue Milord. Les choses se compliquent à Corail, Pestel et Beaumont, raconte l’édile. Il faut voler au secours de ces gens en urgence. Ils n’ont pas d’eau ni de médicaments, ni rien à manger. Ils dorment à la belle étoile. »

Entre-temps, une autre catastrophe rode. « On vient d’annoncer une tempête, mais les gens ne peuvent se rendre dans les abris provisoires puisque la majorité de ces refuges sont des constructions en béton » rajoute Claude Harry Milord.

Eboulement dans la Grand’Anse. Photo : Fransein Lundy

Maison effondrée dans la Grand’Anse. Photo: Fransein Lundy

Le bilan du cataclysme s’élève à presque 1 300 morts, selon un décompte provisoire. Et des jours après, plusieurs zones restent coupées du monde, inaccessibles en voiture à cause des multiples éboulements. L’État veut diriger les efforts de sauvetage, mais il semble ne pas avoir les moyens de ses prétentions.

« Nous décourageons les ONG qui veulent se rendre seuls sur le terrain », déclare le Premier ministre Ariel Henry, dans une entrevue accordée à AyiboPost au salon diplomatique de l’aéroport Toussaint Louverture, à sa sortie d’une tournée dans les zones touchées hier dimanche après-midi.

« Nous voulons un effort coordonné, continue le chef du gouvernement. Bientôt, nous mettrons sur place des entités composées des secteurs privés et publics pour diriger l’aide à la reconstruction. »

La plupart des interventions dans le sud se réalisent en avion ou par hélicoptère. Un convoi humanitaire test a traversé Martissant hier dans la journée, mais les institutions donatrices restent frileuses, quant à la dangerosité de cette route.

« Nous allons faire un effort particulier pour permettre la traversée de Martissant depuis Port-au-Prince, promet Ariel Henry. Nous avons entendu que les bandits veulent faire une trêve, mais ce que nous voulons, c’est rendre Martissant perméable de sorte que les gens puissent traverser en toute sécurité de façon permanente. »

Gravats à Jérémie. Photo : Fransein Lundy

Les autorités veulent éviter les duplications et gaspillages de centaines de millions de dollars notamment lors du tremblement de terre du 12 janvier 2010, lorsque des ONG ont contourné les mairies pour intervenir directement. Sur le terrain cependant, observateurs et rescapés affichent leur scepticisme quant à la capacité de l’État haïtien à coordonner seul les déploiements après le tremblement de terre de samedi dernier.

Selon des informations de Roberto Cavada, un avion et deux hélicoptères d’aide en provenance de la République dominicaine ont attendu plus de quatre heures, hier, avant de pouvoir atterrir, à cause des longues procédures.

« L’État est incapable de faire la gestion de l’aide parce qu’il n’a aucun cadre d’opération à ce niveau, analyse le sociologue Wenchel Jean Baptiste.»

Si l’aide doit passer par l’Etat, elle prendra du temps pour atteindre la population sans compter les risques de détournements, rajoute le responsable de Caramed, un hôpital aux Cayes: «Les ONG devraient intervenir directement. On économiserait du temps avec cette méthode. »

La scène se voulait ordinaire. À sa descente de l’avion à l’aéroport de Jérémie hier 15 août, la star Sarodj Bertin, contemplait la verdure ambiante, les passants imperturbables, et l’étendue de la mer qui a tant inspiré les poètes de la « cité ».

Ce panorama idyllique sera bien vite troublé par l’urgence. « En nous rapprochant un peu plus de la ville, j’ai commencé à voir des maisons effondrées. » Et à l’hôpital Saint-Antoine, le réel post-catastrophe. « J’ai vu des blessés à peine sortis des décombres. »

Bien vite, la quasi-absence de l’État se fait sentir à Jérémie. « Il y a un problème de coordination », remarque Carel Pedre. L’animateur accompagne Bertin, et lui a recommandé de se rendre à Jérémie, alors que les efforts actuels se concentrent beaucoup plus aux Cayes.

Contrairement à la procédure recommandée par le gouvernement, Pedre et Sarodj prennent contact avec un journaliste local qui les redirige vers l’hôpital de la commune. Arrivés au centre, ils remettent des pochettes de sérums et des seringues bien reçues, même si le personnel réclame du gaz et des antibiotiques.

« L’état devrait coordonner les demandes, de telle sorte que l’on sache les besoins des zones », analyse Carel Pedre. « La coordination de l’aide c’est bien, mais il faut de la transparence. »

Les États-Unis contribuent aux efforts de sauvetage. Une soixantaine d’employés des garde-côtes et un hélicoptère sont impliqués dans les va-et-vient entre Port-au-Prince et le grand Sud pour évacuer des blessés et transporter médecins et matériels médicaux, en collaboration avec les autorités haïtiennes.

À 5 h de l’après-midi ce 15 aout, l’aéronef comptait trois descentes à Jérémie et à Miragoane. Quinze patients blessés en état critique ont pu être transportés à Port-au-Prince. Neuf médecins se sont rendus à Jérémie. Et plus de 1000 livres de matériels médicaux y ont été délivrés.

« Deux hélicoptères additionnels doivent arriver dans le pays et dès lundi 16 aout, ils se rendront aux Cayes où on nous dit que 37 patients blessés en état critique doivent être évacués, déclare à AyiboPost David Steele, un officier de liaison des garde-côtes américaines.

Steele a travaillé à Porto-Rico après le dévastateur cyclone Maria, mais aussi aux Bahamas après le cyclone Matthew. « L’étendue des blessures en Haïti est plus grave que ce que j’ai vu dans des interventions précédentes », témoigne-t-il.

Les appels à l’assistance s’élèvent de partout dans le Sud. Trois membres de la famille de Lucienne Raphaël, 66 ans, participaient à un baptême à l’Église Immaculée de « Les Anglais ». La structure s’est effondrée et ils sont tous morts. Plusieurs cadavres se trouvent encore sous les décombres.

« Des répliques se font sentir de temps en temps, donc on dort dans la rue, témoigne Raphaël. Il nous faut des abris pour parer le cyclone qui arrive. Il est bruit que des autorités viennent, mais nous n’avons encore rien reçu. »

À Aquin, une commune située entre le sud et les Nippes, l’assistance tarde à se matérialiser, comme dans d’autres petites localités. « La majeure partie des dégâts s’observe dans la cité Rosemina construite après le tremblement de terre, rapporte Biltonn Bossé, un psychologue et enseignant dans la commune. Les gens de cette zone défavorisée se trouvent dans une situation de sinistrés. Ils déplorent plusieurs morts. »

Maison effondrée à Aquin. Photo: Biltonn Bossé

Maison effondrée à Aquin. Photo: Biltonn Bossé

Un convoi humanitaire est passé hier à Martissant pour se rendre au sud. « Elle ne s’est pas arrêtée à Aquin », déplore Bossé qui explique que la mairie de la zone ne semble pouvoir rien faire pour assister les gens en détresse, après l’effondrement de leurs maisons.

Maison endomagée à Aquin. Photo: Biltonn Bossé

Le cyclone Grace ne devrait pas gracier le pays assailli par les catastrophes, en marge de l’assassinat du président Jovenel Moise, il y a un mois. La météo prédit son passage sur plusieurs villes du pays. Si le Premier ministre Ariel Henry redoute le potentiel destructeur du cyclone, les préoccupations électorales figurent encore dans sa liste de priorités.

« Les élections restent un passage obligé et on s’y dirige, avec ou sans tremblement de terre, dit Henry qui plus loin reconnait “de façon très claire” [que] nous n’avons pas de calendrier électoral. »

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